II faut mentionner le développement pris, pendant cette période, dans l’école, par l’enseignement libre. Jusque vers 1830, il a existé à Montpellier des amphithéâtres d’anatomie privés, situés sur la rive gauche du Verdanson, en face du cimetière compris entre ce ruisseau et le Boulevard actuel de l’Hôpital général. Delmas, Batigne, Bertrand, Estor eurent ainsi des pavillons, où ils faisaient disséquer leurs élèves particuliers. Où trouvaient-ils la matière anatomique ? À cette époque, il y avait à Montpellier deux cimetières, celui de l’Hôpital Général, réservé aux personnes riches, et le cimetière des pauvres, celui-là même qui longeait le Verdanson. Les pavillons d’anatomie étaient en face ; on se procurait les cadavres soit en s’entendant avec les fossoyeurs, soit en les volant la nuit ; Ces procédés étaient d’ailleurs bien connus de la population, et l’on évitait de son mieux le cimetière des pauvres. Comme on avait, à cette époque, la liberté de choisir son lieu de sépulture, on enterrait un peu partout : dans les jardins, dans les cours des maisons ; certains jardiniers laissaient enterrer ceux qui le leur demandaient dans les terrains qu’ils cultivaient, moyennant une faible redevance de 5 ou 6 francs. On mettait même dans les cercueils de la chaux vive, que l’on éteignait ensuite pour détériorer le corps et déconcerter ainsi les indiscrétions du scalpel.
Parmi ces enseignements libres, une mention spéciale est due à celui d’Estor Jean-Louis-Eugène (1796-1856)), qui, de 1818 à 1838, pendant vingt années, s’est livré sans interruption à un enseignement particulier de l’anatomie, qui a été en quelque sorte populaire à Montpellier. Estor devint professeur de médecine opératoire, il a laissé une preuve écrite de la valeur de son enseignement anatomique par la publication, malheureusement inachevée, d’un traité d’anatomie appliquée à la physiologie et à la pathologie (1833). Les deux volumes parus sont consacrés à l’ostéologie et à la syndesmologie.
Une autre mention doit être envisagée à l’égard d’Antoine Portal (1742-1832) qui domine toute l’histoire de l’Anatomie : l’importance de ses écrits est telle qu’il connut en son temps une grande renommée et l’œuvre historique qu’il a laissée est considérable. Né à Gaillac, Portal fit ses études médicales à la Faculté de Montpellier qui lui conféra le doctorat. Il était encore sur les bancs de l’école lorsqu’il manifesta un goût marqué pour l’enseignement et il ouvrit un cours privé d’anatomie qui eut du succès. Il avait à peine vingt ans lorsque l’Académie des Sciences de Montpellier l’admit dans son sein. Intelligent de belle allure ambitieux aussi il jugea de bonne heure que ses qualités ne trouveraient leur emploi qu’à Paris et il gagna la capitale nanti des recommandations du cardinal de Bernis pour les personnages les plus en vue de la Cour du monde et de la science. Son ardeur au travail son succès dans les recherches anatomiques et aussi son entregent lui valut bientôt de nombreuses sympathies ; Sénac et Lieutaud le prirent sous leur patronage. Comme il n’était docteur que de Montpellier, il n’avait aucun droit d’exercer et d’enseigner à Paris, ses protecteurs le mirent hors de poursuite en le faisant nommer « Professeur d’Anatomie du Dauphin ». Il avait à peine 33 ans lorsque Buon, dont il avait conquis l’amitié, le fit nommer professeur d’Anatomie au Jardin Royal des Plantes, adjoint à Antoine Petit qui n’avait pas réussi à faire désigner son suppléant Vicq d’Azyr, savant réputé cependant pour la largeur de ses vues et l’étendue de sa culture. Portal, érudit, orateur, homme de cour et d’intrigue, a connu les plus grands honneurs. Il a vécu jusqu’à 90 ans sous les régimes politiques les plus divers, il eut l’habileté de s’assurer la bienveillance de tous les pouvoirs ; il fut le médecin particulier de Louis XVIII (1755-1824) et de Charles X (1757-1836) qui le fit Baron. Il provoqua la fondation de l’Académie de Médecine dont il fut nommé président à vie. Il mourut chargé de gloire après une brillante et laborieuse carrière. Travailleur acharné, savant de laboratoire et de bibliothèque plus encore qu’homme du monde, il a énormément publié dans toutes les branches de la médecine, ses œuvres principales sont 1′ « Histoire de l’Anatomie et de la Chirurgie » et le « Cours d’Anatomie médicale ».
Ceux qui écriront le feront surtout à titre individuel comme J.B.A.Murat (1803), J.F.Seneaux, prosecteur (1805 mettront l’accent sur les avantages et les inconvénients des nomenclatures anatomiques existantes (1807-1846).